Public appearances

A L’OCCASION DE LA RÉCEPTION OFFERTE EN L’HONNEUR DU CORPS DIPLOMATIQUE
ALLOCUTION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE SLOVÉNIE MILAN KUCAN
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Brdo - Kranj, 17 January 2001

Foto: BOBO .





















Permettez-moi, à l’occasion de la rencontre maintenant traditionnelle du début de l’année, de vous souhaiter la bienvenue et de vous présenter tout d’abord, ainsi qu’à vos proches, tous mes meilleurs voeux de bonheur et de succès pour l’année qui commence. Je souhaite que cette fois-ci également, notre rencontre soit l’occasion de nous entretenir sur les événements internationaux les plus récents et sur la place et le rôle de la Slovénie dans la vie internationale. Je suis heureux que notre réunion ait été organisée cette année conjointement avec le Premier ministre, le Dr. Janez Drnovsek.

Le monde change à un rythme très rapide. La globalisation et la dynamique accélérée des événements et des transformations abolissent les constantes traditionnelles. Elles nous placent devant de nouveaux défis et dilemmes. Malgré les avancées accomplies, nous sommes encore loin d’atteindre nos aspirations : la sécurité globale et la paix, l’élimination de la pauvreté ; loin encore de la réduction des disparités démesurées dans la prospérité, dans le développement et la garantie de la protection juridique et sociale des hommes ; loin toujours de la compétition fructueuse et de la coopération entre les civilisations différentes auxquelles nous appartenons et qui enrichissent la vie matérielle et spirituelle de l’humanité.

Nous continuons d’être témoins de tensions et de règlements par la force des questions ouvertes. Les conflits armés se déroulent aujourd’hui plus souvent à l’intérieur des frontières d’États souverains et moins entre les États. Dans certains pays, nous assistons à la violation systématique et massive des droits de l’homme, à la violence de la guerre, au génocide et à l’épuration ethnique. Le destin des populations dépend encore de l’appartenance à la race, à la minorité ou à la religion. Aussi, le respect de la dignité humaine et des droits de l’homme individuels et collectifs devient-il un principe universel de plus en plus important dans l’organisation mondiale de notre temps.

Telle a été la constatation fondamentale de l’Assemblée Générale du Millénaire des Nations Unies, réunie en septembre 2000. Faisant suite à ce sommet, l’ONU a décidé de parvenir à la volonté politique nécessaire pour montrer qu’elle est capable, au nom de la communauté internationale, de protéger les populations civiles contre le génocide, l’épuration ethnique et la violence massive et systématique par le pouvoir et les concitoyens de leurs propres pays. D’où la nécessité d’introduire dans le fonctionnement de l’ONU l’intervention humanitaire comme moyen d’assurer cette protection, ceci ouvrant un nouveau châpitre essentiel des relations internationales et du droit international.

La Slovénie va fêter cette année le dixième anniversaire de son existence en tant qu’État souverain. En regardant en arrière, nous constatons qu’il n’y avait pas d’autre bon choix. Tout peuple, y compris le Peuple slovène, a droit à la liberté et à l’avenir. La Yougoslavie d’alors barrait le chemin à l’avenir créateur des personnes et des peuples. Pour cela, elle s’est décomposée. En tant que membre de la famille mondiale des États souverains, la Slovénie partage aujourd’hui le destin de l’humanité dans ses épreuves actuelles et dans ses défis pour un avenir meilleur. Elle est consciente de ses responsabilités dans ce monde et veut lui apporter sa part active pour des lendemains de sécurité et de paix. Notamment, sur notre continent. D’où les efforts que nous déployons pour entrer dans l’Union européenne et dans l’Alliance euro-atlantique. Durant cette décennie, la Slovénie est devenue un pays stable et démocratique, au développement économique adéquat et à la cohésion sociale appropriée. Elle achève sa rénovation interne, consolide sa place et son identité dans l’environnement international, faits auxquels vous avez vous-mêmes amplement contribué.

L’année passée, du fait de circonstances politiques internes complexes, la Slovénie a perdu beaucoup de temps et d’énergie. Cependant, l’important est que, grâce à des procédures et à des mécanismes démocratiques, nous soyons parvenus à empêcher que la crise gouvernementale ne devienne une crise politique et institutionnelle. Je suis persuadé que cette année, par le travail de la large coalition gouvernementale et l’accord des partis politiques, nous réussirons à rattraper le temps perdu dans les réformes structurelles et que nous réussirons a atteindre les standards européens. L’égalité des hommes dans toute leur diversité, leur position égale devant la loi dans les droits individuels et collectifs, leur protection et le respect de leur dignité sont et demeurent le fondement de toute action. Il est temps de laisser de côté les fardeaux d’un passé douloureux et faire face aux défis de notre temps et de l’avenir.

Nous estimons que le sommet de Nice est une importante réussite des pays membres de l’UE qui, malgré les nombreuses questions ouvertes et les dilemmes sur l’avenir de la communauté élargie, ont réussi à exprimer clairement la volonté politique et la détermination de poursuivre le processus d’élargissement. Nous comprenons que de cette façon, la voie à l’intégration des pays candidats et aussi de la Slovénie, est définitivement ouverte. Notre pays n’a jamais considéré l’entrée dans l’UE comme une compétition entre les pays candidats engagés sur le même chemin ; nous la concevons au contraire comme notre nécessité intérieure et une compétition avec nos propres capacités. Nous serons heureux de tout soutien, notamment de celui accordé par les pays membres dirigeants de l’UE. Aussi, m’efforcerai-je, lors de l’entretien de vendredi avec le président de la République Fédérale d’Allemagne, Monsieur Johannes Rau, d’atteindre le même appui par la République Fédérale d’Allemagne comme nous a été déjà accordé par ce pays lors de notre reconnaissance et affirmation internationale.

Les intérêts nationaux de chaque pays européen sont, de par la nature des choses, différents. Pour cela, il est compréhensible qu’après le sommet de Nice, restent ouverts de nombreux dilemmes sur le processus d’intégration européenne. Il semble que lors du dernier sommet européen, l’égoïsme national a de nouveau été mis à l’épreuve. Cela aussi est notre réalité. Mais le sommet de Nice a montré en outre que l’Europe unie sera une communauté réussie si elle repose à la fois sur toute la diversité européenne et sur un système commun de valeurs constituant son tissu d’esprit intégrateur. Une telle communauté ne peut être créée que par des États de citoyens où régneront les droits de l’homme individuels et collectifs, où chacun jouira de droits égaux, indépendamment de son appartenance nationale, religieuse, de race ou autre. Je conçois la construction européenne comme un processus historique à long terme, avec des hauts et des bas, dans lesquels les diverses formes de coopération approfondie ont à la fois de bons et de mauvais côtés. Cela dit, il est possible que la capacité vitale et la vigueur de la communauté dépendent de rapports de force ou bien du degré selon lequel les pays les plus développés pourront s’identifier aux intérêts de l’ensemble. De ce point de vue, la formule d’une coopération intensifiée pourrait être un mécanisme qui renforcerait objectivement davantage la coopération entre des groupes de pays choisis, mais tendrait moins à la coopération de tous les membres dans les prises décisions et les réalisations en faveur de l’ensemble. Y aura-t-il suffisamment de garanties que cette situation ne mènera pas à une nouvelle division de l’Europe, à une répétition de l’histoire ? Nous devons garder à l’esprit une vision de l’avenir comme critères de toutes les décisions importantes, même celles concernant les institutions communes et l’élargissement. Il est évident que l’UE, en tant qu’organisme vivant, ne peut avoir ni forme définitive ni frontières finies. Le temps est venu de dépasser pour toujours la division politique de l’Europe en deux, l’Ouest et l’Est, et de tourner ensemble notre regard vers l’avenir.

Excellences, l’année passée également, la Slovénie a développé de bonnes relations avec la majorité des pays du monde et particulièrement avec l’Europe. Nous sommes fermement décidés à parfaire encore nos relations avec les USA, et nous désirons aussi mener une coopération plus approfondie et intensive avec la Fédération russe. Cependant, toute activité internationale bien réfléchie commence aux frontières symboliques ou réelles. Pour cela, les relations avec les pays voisins sont une constante parmi les tâches prioritaires de la politique étrangère de chaque pays. La Slovénie est désireuse d’entretenir des relations bonnes, fructueuses et réglées avec tous ses voisins. Le vrai chemin est celui du dialogue tolérant et constant, avec un interlocuteur aux souhaits identiques, qui ne mesure pa l’avenir à l’aune de l’histoire.

Il est temps et l’occasion de régler dans une atmosphère positive, par le respect mutuel, la reconnaissance des intérêts légitimes et l’attachement aux mêmes valeurs, les questions restées ouvertes entre la Slovénie et la Croatie. Il est déraisonnable que les bonnes relations existantes buttent sur des obstacles qui ne sont que la conséquence de la décomposition de la Yougoslavie. Cependant, il faut que les deux pays soient persuadés que des relations normalisées avec le pays voisin comptent aussi parmi les tâches prioritaires de leur stratégie de politique étrangère.

La Slovénie entretient avec l’Autriche des relations traditionnellement développées et amicales datant notamment du temps de la formation de l’État slovène. Elles sont cependant chargées du poids de l’histoire dans laquelle chaque pays a eu un rôle différent. Pour cela, tous deux doivent répondre à la même question : comment aller de l’avant ? Si aucune réponse n’est donnée, la Slovénie risque subitement de se trouver face à de nouvelles conditions pour son entrée dans l’UE, et même face à des exigences touchant aux fondements des institutions de son État. Cela serait la voie ouverte à une atmosphère plus tendue et toujours moins productive. Je suis persuadé que ni la Slovénie ni l’Autriche ne pourraient justifier cela auprès de leurs citoyens, de l’UE et des Européens. Pour cette raison, nous devons mener un dialogue raisonnable qui sera fondé sur le respect mutuel, sur l’égalité et sur les intérêts réciproques.

Avec la Hongrie et l’Italie, la Slovénie développe de bonnes relations à partir desquelles les questions ouvertes se règlent avec succès. L’Italie soutient la Slovénie dans ses efforts pour devenir membre de l’UE, tandis que pour sa candidature à l’OTAN, notre pays est soutenu par ces deux pays voisins. Nous sommes persuadés que les forces démocratiques en Italie seront assez puissantes et que le Sénat italien adoptera pendant cette législature la loi de protection globale de la minorité slovène. De cette façon, la minorité slovène en Italie bénéficiera elle aussi des normes européennes de protection des minorités.

Les événements de l’année passée dans le sud-est européen, notamment en Serbie et auparavant en Croatie, nous animent d’optimisme. En effet, la région est sur la voie de la stabilisation, de la coexistence pacifique, au départ du nouveau développement et de l’ouverture à l’Europe. Elle a toutes les chances de faire partie du continent stable. Pour ce faire, la Serbie démocratique a une grande responsabilité et joue un rôle essentiel. L’une des priorités de la politique étrangère slovène est en particulier de normaliser les relations avec la RFY, avec la Serbie comme elle l’a fait avec le Monténégro, et surtout de développer les relations politiques, économiques et culturelles. Cela permettra notamment de faciliter la vie des personnes qui ont été touchées par la décomposition de l’ex-Etat commun et d’accélérer le règlement de l’exigeant problème de la succession de cet Etat, ceci étant la conditio sine qua non pour que de bonnes relations existent entre les pays issus de la décomposition de la Yougoslavie.

Excellences, chers amis, permettez-moi à l’occasion de cette rencontre de vous remercier chaleureusement de tous vos engagements en faveur des bonnes relations et de la compréhension entre nos pays. Je suis certain que cette année aussi nous continuerons à coopérer et à oeuvrer dans cet esprit. Je lève mon verre avec vous pour l’Europe unie, pour vos pays, pour la Slovénie, pour la prospérité de l’humanité, pour la paix, pour notre avenir commun dans la sécurité et l’amitié entre les peuples et pour que nous tous connaissions un avenir plus agréable.


 

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