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LE LIEU SIMBOLIQUE DU SOMMET BUSH - POUTINE
Entretien avec le président de la Slovénie, Milan Kucan
Propos recueillis par Natalie Nougayréde

Ljublana, 18 June 2001

Le président slovéne, Milan Kucan, expliquait au Monde, à la veille du sommet, que ce choix avait été arrêté "il y a trois semaines, lors d'une rencontre" des chefs de la diplomatie russe et américaine à Washington : "D'autres localités avaient été mentionnées, Genève, Helsinki, Vienne... là où se tenait ce genre d'événements dans le passé. Le choix de la Slovénie, que je perçois comme une marque de reconnaissance de notre stabilité et efficacité, est le signe que la guerre froide est finie."



Quelle signification attachez-vous au fait que le premier sommet Bush-Poutine se soit tenu dans votre pays?

Milan Kucan: Ce choix, je le vois comme une marque de reconnaissance pour la Slovénie, et un message aux autres pays de la région, montrant qu'une voie pacifique et efficace est possible. C'est une reconnaissance de notre acquis, du fait que nous nous tenons désormais sur le seuil de l'OTAN et de l'Union européenne (UE). L'OTAN, en tant que structure de défense, est à nos yeux la seule force réelle capable grantir la sécurité. Nous ne voyons d'ailleurs pas de contradiction avec l'évolution de l'UE vers une politique de défense. Ces processus sont parallèles. Le monde change, l'OTAN change, il ne faut pas la voir comme une menace, comme un poing brandi, mais comme une main tendue.

Comment réagissez-vous aux critiques, formulées en Europe contre la domination des Etats-Unis, à l'occasion de la visite de George W. Bush?

Milan Kucan: Nous ne pouvons passer outre le fait que les Etats-Unis ont dû intervenir trois fois sur le sol européen en un siècle: la première guerre mondiale, la deuxième, et les Balkans, où les choses ne sont d'ailleurs pas encore terminées. Il serait très responsable de la part de l'Europe de résoudre ses problèmes elle-même. Pourquoi les chose sont-elles ainsi, c'est à l'Europe de s'interroger elle-même. Derrire ces reproches , peut-être faut-il voir le fait que certains se sentent un peu lésés par le parcours qu'à emprunté M. Bush, par le fait qu'il se soit rendu dans tel ou tel pays. L'OTAN, l'UE, Varsovie, puis la Slovénie…il fait y voir un grand symbole. Je pense surtout que cela illustre que l'Europe n'est plus uniquement l'Europe des grandes capitales, qu'il n'y a plus l'Europe de l'est et l'Europe de l'ouest, mais une seule Europe.

Comment évaluez-vous les chances dela communauté internationale d'empêcher le pire en Macédoine?

Milan Kucan: Si j'étais très bref, je dirais que la question n'est pas de savoir si elle peut le faire mais si elle veut le faire. C'est une crise que l'on aurait pu poser au début des crises yougoslaves. Certains parlent encore - au sujet de la Bosnie-Herzégovine, au sujet du Kosovo, par exemple - de changer les frontières dans les Balkans. En connaissant l'histoire, ce serait une catastrophe. Les conflits présents sont déjà les conséquences de frontières dessinées artificiellement dansle passé. Si on les redéfinit encore, cela voudra dire de nouveaux conflits. Ce serait la conséquence de la thèse selon laquelle nous ne pouvons vivre les uns avec les autres. Il faut autre chose. Il fait dire: vous allez vivre ensemble, nous allons vous aider à le faire, mais dans le respect des principes en vigueur en Europe et sans aucun changement de frontière.

Vous parlez du risque lié à l'incertitude sur le statut du Kosovo?

Milan Kucan: Oui, cette ambiguité constitue un grand danger, car elle dénature le problème et entretient de faux espoirs. Il faudra que le Kosovo ait une grande autonomie et que, lorsque la présence internationale ne sera plus là, les Albanais y vivant endossent la responsabilité de protéger la minorité serbe. Qu'ils acceptent qu'ils ne sont pas seulement Albanais, mais Européens.

Comment réagissez-vous au référendum irlandais disant non à l'élargissement de l'UE?

Milan Kucan: Il faut y voir une sorte de mise en garde. Tout gouvernement, dans l'Union, doit avoir conscience qu'il faut tenir compte de l'opinion publique, lui expliquer que l'élargissement ne va pas contre le niveau de vie, contre l'emploi. Une chose dont je ne suis pas tout à fait sûr: sommes nous, en Europe, bien convaincus qu'il faut faire des sacrifices pour que l'Hitoire ne se répète pas?


 

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